Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/864

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
856
POLYBE, LIV. XVIII.

égard observé le traité. Les autres lui reprochaient en face que sans les Étoliens jamais les Romains n’auraient mis le pied dans la Thrace, ni par conséquent vaincu Philippe. Mais Cornélius ne jugea pas à propos de répondre sur tous ces chefs ; ils se contenta de renvoyer les mécontens au sénat, leur promettant qu’il leur serait rendu justice. Son conseil fut suivi. Ainsi finit la guerre contre Philippe. (Ambassades.) Dom Thuillier.


VI.


Le roi Antiochus désirait vivement s’emparer d’Éphèse, à cause de la situation favorable de cette ville, placée comme une citadelle, pour attaquer par terre et par mer l’Ionie et les villes de l’Hellespont, et en face de l’Europe, comme un boulevard propre à protéger contre elle les états d’Asie..... Tout réussissait à Antiochus selon ses désirs, et déjà il était entré dans la Thrace, lorsque Cornélius prit port à Selymbrie. Il était envoyé de la part du sénat pour négocier la paix entre Antiochus et Ptolémée. (Suidas in Εὐκαιρία, apud Schweighæuser ; et apud Dom Thuillier in Legationibus.)


Conférence, à Lysimachie, entre le roi Antiochus et les ambassadeurs romains.


Publius Lentulus arriva de Bargyle, et Lucius Terenlius avec Publius Villius arrivèrent de Thase, accompagnés de dix autres, et ayant fait voir à Antiochus leur arrivée, en peu de jours ils se rassemblèrent tous à Lysimachie, où Hégésianax et Lysias, envoyés par le roi à Flaminius, se rencontrèrent en même temps. Dans les entretiens particuliers qu’eut le roi avec les ambassadeurs, tout cela se passa en civilités qui paraissaient sincères. Mais quand, tout le monde assemblé, il fut question d’affaires, les choses changèrent de face. Lucius Cornélius demanda qu’Antiochus cédât à Ptolémée toutes les villes de l’Asie qu’il avait usurpées sur ce prince, et qu’il se retirât de toutes celles qui avaient appartenu a Philippe, prenant les dieux et les hommes à témoin de la justice de ses demandes. « Car quoi de plus ridicule, disait-il, que de voir Antiochus se rendre maître des fruits et des récompenses d’une guerre que les Romains avaient eue avec Philippe ? » Il l’exhortait de plus, à ne plus toucher aux villes qui jouissaient de leur liberté. Il ajoutait qu’il était fort surpris qu’Antiochus fût passé en Europe avec deux armées si nombreuses de terre et de mer ; et qu’à penser juste sur cette expédition, on ne pouvait imaginer un autre motif que celui d’attaquer les Romains.

Le roi répondit à ce discours : qu’il ne concevait pas comment on lui faisait une querelle sur les villes de l’Asie qu’il possédait ; qu’il convenait moins aux Romains qu’à personne de le chicaner là-dessus ; qu’il les priait de ne pas plus se mêler des affaires de l’Asie qu’il se mêlait lui-même de celles de l’Italie ; qu’il était passé en Europe pour reconquérir la Chersonèse et les villes de Thrace ; que personne n’avait plus droit que lui de régner sur ces pays ; qu’ils avaient été d’abord soumis à Lysimachus ; que ce prince, dans une guerre, avait été vaincu par Séleucus ; que son royaume, par conséquent, appartenait par le droit de la guerre au victorieux ; que, dans la suite des temps, ses pères, occupés d’autres affaires, avaient laissé Ptolémée et Philippe s’approprier successivement ces conquêtes ; que lui maintenant ne les acquérait