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deux alliées, c’est-à-dire de vingt mille hommes d’infanterie environ, et de dix-huit cents chevaux. Il avait de plus deux mille fantassins et deux cents cavaliers gaulois, qui désertèrent après le combat. Les vélites qui accompagnaient sa cavalerie étant au nombre de douze cents environ dans chaque légion, formaient un corps de cinq mille hommes avec lequel Publius espérait balancer l’immense supériorité de la cavalerie d’Annibal.

Les deux généraux éprouvaient un égal désir d’en venir aux mains ; car il leur importait de donner d’abord de l’éclat à leurs armes ; l’un voulant rassurer ses alliés et maintenir des auxiliaires trop enclins à la révolte ; l’autre, afin de capter la confiance de tant de peuples qui n’attendaient qu’une occasion favorable pour se prononcer.

Annibal ayant connaissance de cette marche de Scipion, et s’avançant au-devant de lui, avec ses six mille hommes de cavalerie, le consul rangea la sienne sur une seule ligne qui présentait de grands intervalles d’une turme à l’autre, pour égaler, autant que possible, le front de l’ennemi. Cette ligne ne fut composée que des cavaliers[1].

Un peu en avant, Scipion plaça par pelotons les vélites, vis-à-vis des espaces laissés entre les escadrons. Les pelotons de droite et de gauche débordant les deux ailes, les cavaliers gaulois furent partagés en deux corps, et postés pour garantir cette infanterie légère, qui pouvait être prise en flanc.

Le consul avait donné ordre aux vélites de s’avancer sur les escadrons carthaginois, dans le moment où ils se disposeraient à la charge, et de les accabler de leurs traits. Il pensait que cette manœuvre, exécutée avec bravoure et intelligence, arrêterait le choc de cette cavalerie, et que les vélites, continuant à la fatiguer de leurs javelots, tout en se repliant jusqu’aux intervalles, pourraient bien y porter un moment de désordre dont il espérait profiter pour la désunir.

Telle était la disposition tactique de la première ligne de Scipion. L’infanterie pesante, qui suivait de loin, ne parut pas sur le champ de bataille. Publius passe pour un homme de guerre expérimenté et très habile ; son malheur fut d’avoir trop présumé du courage et de la discipline de soldats nouvellement enrôlés.

Annibal considérant l’ordre de bataille de son adversaire, parut s’inquiéter peu du nombre de ces troupes légères, tant qu’elles resteraient entre les deux fronts, parce qu’il connaissait trop bien la bonté de sa cavalerie pour ne pas être certain de la voir culbuter ces tireurs à la première charge ; mais étant instruit de leur manière de combattre, il comprit combien ses soldats auraient à souffrir dans la mêlée, s’ils devaient essuyer en même temps cette grêle de traits qu’ils ne pouvaient parer, et le choc de cavaliers qui ne le cédaient pas en bravoure aux siens.

Aussi, ayant rangé sa cavalerie sur une seule ligne, avec de petits intervalles, les Espagnols au centre, les Numides aux ailes ; il recommande à ces derniers d’avoir l’œil sur les vélites, et dès qu’ils les verront se retirer, de faire un long circuit avec toute l’agilité dont ils sont capables, pour venir les prendre à dos.

Le but de cette manœuvre était d’inquiéter l’infanterie ; si elle réussissait Annibal allait avoir bon marché de la cavalerie romaine, qui, privée de cet appui, devait succomber sous le nombre et la valeur des Espagnols.

  1. Voyez l’Atlas.