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POLYBE, LIV. XXVIII.

sieurs : ceux qui les avaient supprimés voulaient qu’on ne changeât rien à ce qu’ils avaient fait ; d’autres, poussés par des mécontentemens personnels, étaient bien aises de saisir cette occasion pour se venger d’Eumène. Quelques-uns, par jalousie contre les partisans d’Attalus, faisaient tous leurs efforts pour empêcher que ce prince n’obtînt ce qu’il demandait. Comme l’affaire était de nature à ne pouvoir être décidée sans que le préteur se déclarât, Archon se leva et prit le parti des ambassadeurs ; mais il n’osa parler beaucoup en leur faveur. La charge qu’il occupait l’avait entraîné dans de grandes dépenses ; il craignit qu’on ne le soupçonnât de favoriser Eumène dans l’espérance de s’en attirer quelque gratification. Dans l’incertitude où était le conseil, Polybe prit la parole, et pour faire plaisir à la multitude, il s’étendit beaucoup pour montrer que le décret fait autrefois par les Achéens pour priver Eumène des honneurs qui lui avaient été accordés, ne portait pas qu’on les lui ôtât tous, mais seulement ceux où il y avait de l’excès, et ceux qui étaient contre les lois ; que de purs démêlés personnels avaient porté Sosigène et Diopithes, Rhodiens, qui alors présidaient aux jugemens, à dépouiller le roi de tous les honneurs qui lui avaient été décernés ; qu’en cela ils n’avaient pas seulement passé les bornes de leur pouvoir, mais blessé encore la bienséance et la justice ; que si les Achéens avaient retranché les honneurs à Eumène, ce n’était pas qu’ils lui voulussent du mai, mais parce qu’il en demandait plus que ses bienfaits ne lui en avaient mérité ; que comme ses juges, sans égard à ce qui convenait aux Achéens, n’avaient pensé qu’à satisfaire leurs ressentimens particuliers, les Achéens, ne devant rien avoir plus à cœur que leur devoir, étaient obligés de modérer les excès de ces magistrats, et de réparer l’injure faite à Eumène, sachant surtout qu’Attalus ne serait pas moins sensible à cette faveur que le roi son frère. Toute l’assemblée applaudit à ce discours, et il fut ordonné par un décret, que l’on rétablirait Eumène dans tous ses honneurs, à moins qu’il n’y en eût de déshonorans pour la république ou contre les lois. C’est ainsi qu’Eumène, par la médiation d’Attalus, recouvra dans le Péloponnèse les honneurs qu’il y avait perdus. (Ambassades.) Dom Thuillier.


Division dans le conseil des Acarnaniens.


Dans ce conseil, qui se tenait à Thurium, Æschrion, Glaucus, Chremès, tous trois amis des Romains, demandaient à Popilius qu’il mît des garnisons dans toutes les villes d’Acarnanie, parce que dans ces villes il se trouvait des gens qui favorisaient le parti de Persée et des Macédoniens. Diogène s’opposait fortement à ce sentiment. Il dit que les Romains ne mettaient de garnisons que chez leurs ennemis et chez les peuples qu’ils avaient vaincus, et que les Acarnaniens n’étant à leur égard coupables d’aucune faute, il n’était pas juste qu’on mît des garnisons dans leurs villes. Alors Chremès et Glaucus, pour affermir leur pouvoir, tâchèrent de détruire auprès du Romain le crédit de leurs adversaires. Leur but était, en attirant des garnisons, d’exercer impunément leur avarice et de vexer les peuples pour s’enrichir. Mais Popilius se rendit aux remontrances de Diogène. Il vit trop d’opposition du côté du peuple pour les garnisons, qui d’ailleurs, dans la disposition où l’on était d’être soumis