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POLYBE, LIV. XXX.

pas à tout le monde, si l’on donne avec réserve le récit nu et simple de l’événement. Que cela nous serve donc de profession de foi pour les affaires militaires et politiques, comme pour chaque partie de l’histoire. De plus, si nous commettons quelque erreur en citant les noms des montagnes, des fleuves, des lieux en général, la grandeur de notre œuvre est assez évidente pour nous mériter le pardon. Cependant, si l’on nous surprend à commettre volontairement un mensonge, nous reconnaissons que nous ne sommes dignes d’aucune indulgence, comme nous l’avons souvent répété au lecteur. (Angelo Mai et Jacobus Geel, ubi suprà.)


La plupart des projets paraissent à la parole faciles et exécutables ; mis en pratique, comme la fausse monnaie jetée au creuset, ils ne répondent plus à ce que l’on attendait d’eux. (Ibid.)


Le consul Paul-Émile reprenant l’idiome latin, et s’adressant aux gens de l’assemblée, les exhortait (en leur montrant Persée) à ne pas s’enorgueillir outre mesure dans la prospérité, à ne pas traiter les hommes avec arrogance ou tyrannie, et à se défier de la fortune présente ; que plus tout semblait réussir dans la vie privée et dans la vie publique, plus on devait songer à l’adversité. Car rien n’est plus rare que de voir conserver l’égalité d’âme dans l’enivrement de la fortune. Mais l’homme privé de raison diffère en ceci de l’homme sensé, qu’il ne s’instruit que par ses propres revers, au lieu de profiter de ceux des autres. (Ibid.)


Il leur remit souvent en mémoire ces mots de Démétrius de Phalère. Ce prince, en parlant de la fortune, et voulant prouver aux hommes combien elle est instable, se reporta au temps d’Alexandre, quand ce conquérant brisa la monarchie des Perses, et il dit : — Ne prenons pas un espace infini, non plus que des générations nombreuses, contentons-nous de ces cinquante ans qui nous ont précédés ; nous y trouverons toute l’histoire des rigueurs de la fortune. Dites-moi si, il y a cinquante ans, un dieu eût prédit aux Perses et à leurs rois, aux Macédoniens et à leurs rois, ce qui arriva plus tard ; dites-moi si quelqu’un eût pu croire que dans cet intervalle le nom des Perses serait effacé de la terre, eux qui gouvernaient la terre, et que les Macédoniens seraient maîtres du monde, eux dont personne ne savait le nom ! Ainsi donc cette fortune perfide qui préside à notre existence, cette fortune, qui se plaît à contrarier tous nos plans, et qui fait éclater sa puissance dans les choses les plus extraordinaires, édifia, ce me semble, l’empire des Macédoniens sur les ruines des Perses, et leur prodigua tous les biens de ceux-ci jusqu’à ce qu’elle en eût autrement décidé à leur égard. (C’est ce qui arrive à Persée.) — Cet oracle que rendit Démétrius d’une bouche presque inspirée et divine, quand je remonte au temps qui a vu succomber l’empire macédonien, je le trouve si important, si peu hors du sujet, que, témoin oculaire des faits, je ne croirais pas dire la vérité, si je ne rappelais ces paroles de Démétrius ; car il y a en elles, ce me semble, quelque chose de surhumain. Il avait annoncé l’avenir sans se tromper à près de cent cinquante ans de distance.


Le roi Eumène, après la fin de la guerre des Romains et de Persée, se

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