Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/976

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
968
POLYBE, LIV. XXXI.

rendre vos bonnes grâces. La vengeance que vous en avez tirée égale au moins sa faute ; mettez enfin des bornes à votre courroux. Faites connaître à toute la terre qu’adoucis en faveur des Rhodiens vous avez repris les sentimens d’amitié que vous aviez autrefois pour eux. C’est uniquement de quoi Rhodes a maintenant besoin. Nous ne demandons ni armes, ni troupes. Votre protection nous tiendra lieu de tout. » Ainsi parla l’ambassadeur rhodien, et on trouva que son discours convenait tout-à-fait à l’état présent de sa république. Tibérius, qui était tout récemment revenu d’Asie, lui aida beaucoup à obtenir l’alliance qu’il demandait. Il déclara que les Rhodiens avaient ponctuellement obéi aux ordres du sénat, et qu’ils avaient condamné à mort les partisans de Persée. Ce témoignage demeura sans réplique, et l’on accorda aux Rhodiens l’alliance avec la république romaine. (Ambassades.) Dom Thuillier.


Réponse des Romains au sujet des Grecs qui, dans leur patrie, avaient favorisé le parti de Persée.


Sur la réponse que les députés d’Achaïe avaient portée dans le Péloponnèse de la part du sénat, que les pères étaient surpris que les Achéens les priassent d’examiner l’affaire de ceux qui avaient été nommément dénoncés comme fauteurs de Persée, après qu’ils en avaient jugé eux-mêmes, Euréas était revenu à Rome pour protester encore devant les sénateurs que jamais ces Achéens n’avaient été entendus dans le pays, et que jamais leur affaire n’y avait été jugée. Euréas donc entre dans le sénat avec les autres ambassadeurs qui l’accompagnaient ; il déclare les ordres qu’il avait reçus, et prie qu’on prenne enfin connaissance de l’accusation et qu’on ne laisse pas périr des accusés sans avoir prononcé sur le crime dont on les chargeait ; il dit qu’il était à souhaiter que le sénat examinât l’affaire par lui-même et fît connaître les coupables ; mais que si ses grandes occupations ne lui laissaient pas ce loisir, il n’avait qu’à envoyer la chose aux Achéens qui en feraient justice de manière à faire sentir combien ils avaient d’aversion pour les méchans. Ce discours fini, le sénat fut assez embarrassé pour savoir comment il y répondrait. De quelque côté qu’il se tournât, il donnait prise à la censure ; d’une part, il ne croyait pas qu’il lui convînt de juger ; de l’autre, renvoyer les exilés sans avoir porté de jugement, c’était perdre sans ressource les amis qu’il avait dans l’Achaïe. C’est pourquoi, en partie par nécessité, en partie pour ôter aux Grecs toute espérance de recouvrer leurs exilés, et les rendre par là plus soumis à ses ordres, il écrivit dans l’Achaïe à Callicrate, et dans les autres états aux partisans des Romains, qu’il ne lui paraissait pas qu’il fût de leur intérêt ou de celui de leur pays que les exilés retournassent dans leur patrie. Cette réponse consterna non-seulement les exilés, mais encore tous les peuples de la Grèce. Ce fut un deuil universel ; on se persuada qu’il n’y avait plus rien à espérer pour les Achéens accusés, et que leur bannissement était sans retour. En ce même temps-là, Tibérius revint d’Asie, sans avoir pu rien découvrir, ni rapporter de plus au sénat sur Antiochus et Eumène que ce qu’il savait avant que d’y aller : tant les marques d’amitié qu’il avait des deux rois l’avaient attaché à leurs intérêts ! Quand la réponse du sénat eut été portée dans l’Achaïe, autant la multitude en fut