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dans la partie méridionale du Picenum, et parvenait à les refaire entièrement des fatigues continuelles qu’elles éprouvaient depuis une année. Jusqu’alors il n’avait pu approcher d’un port de mer assez sûr pour donner de ses nouvelles à sa patrie ; il profita de l’occasion, et le récit de ses glorieux travaux parvint à Carthage.

Avec un ennemi plus facile à décourager, il aurait pu compter beaucoup sur les suites de ses victoires ; mais il connaissait le caractère inflexible des Romains, et ne se flattait pas de triompher ainsi dès le début de la guerre, même en se montrant en vue du capitole.

Sa présence au pied des Alpes avait déjà engagé les nations des parties septentrionales et occidentales de l’Italie, à secouer le joug de la république ; il fallait y déterminer aussi les peuples du sud. Annibal laissa Rome fort loin sur sa droite, repassa l’Apennin, et s’avança dans l’Apulie, où il se conduisit comme dans la Gaule Cisalpine.

Le nouveau dictateur fortifia Rome, pourvut à la sûreté des Côtes, ruina le pays où l’ennemi pouvait arriver, partit avec quatre légions, et prit le chemin de l’Apulie, bien résolu de ne point hasarder une bataille qu’il n’y fût forcé.

Fabius s’approcha pourtant de l’armée carthaginoise ; mais il se tînt sur les hauteurs, afin d’observer et de resserrer les mouvemens d’Annibal. Il comprenait qu’ayant en tête un général qui cherchait l’occasion de livrer des batailles, il devait les éviter. C’était en effet le seul moyen de triompher d’un ennemi qui ne pouvait se procurer ni secours, ni recrues, et se trouvait dans un pays ravagé par deux armées à-la-fois.

Annibal, qui essayait vainement d’attirer Fabius, s’aperçut enfin que le dictateur voulait prolonger la guerre. Comme l’inaction était le plus grand des maux qu’il eût à craindre, il quitta l’Apulie Daunienne, et se portant dans le Samnium, ravagea le territoire de Bénévent. Il prit Telesia, ville bien fortifiée, et y fit un butin assez considérable.

Chaque jour il exposait quelque détachement ; il tenta même de compromettre son armée, se reposant sur son génie du soin de la tirer de ces pas dangereux ; mais il ne put obtenir aucun engagement sérieux de la part de son adversaire qui l’épiait sans cesse, et profita quelquefois de sa témérité.

Cette conduite, à laquelle Annibal n’avait pas dû s’attendre, le força de se jeter dans la Campanie, pays le plus riche et le plus abondant de l’Italie, qui lui promettait un butin immense, et des provisions pour son quartier d’hiver. Il espérait encore obliger les Romains d’en venir à une bataille ; et s’ils s’obstinaient à la refuser, tirer parti de cet aveu tacite mais formel de leur impuissance, pour engager quelques villes alliées à embrasser sa cause.

Le dictateur, cependant, ne reculait pas à mesurer ses forces avec lui dans de fréquentes escarmouches ; mais il se contentait de remporter de petits avantages, afin d’exercer ses soldats, et de les aguerrir insensiblement.

Comme la Campanie forme un bassin dont on ne peut sortir que par trois défilés, le Mont Ériban ou Gallicanus ; les Fourches Caudines ; et Ariano ; Fabius fut surpris de la hardiesse d’Annibal. Cette entreprise hasardeuse devait lui prouver combien était sage le système de guerre qu’il avait adopté.

Les deux armées restèrent pendant l’été dans cette position, et Annibal, qui avait inutilement ravagé la Campanie occidentale sans pouvoir obliger le