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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

siège. Pour nous tirer de là : « Il n’y a que le Roi », disent les uns, « Il n’y a que l’Empereur » disent les autres. Réunis par l’orage dans cette arche de Noé, les anciens proscrits et les anciens prescripteurs se guettent haineusement pour happer la victoire.

Les bonapartistes ont pour eux l’armée, mais ils n’ont pas le gouvernement, et c’est tout à cette heure où les ruraux règnent à l’Assemblée. Elle a une nécropole pour vestibule, cette Chambre de revenants, la galerie des tombeaux, petite Bourse de députés, fonctionnaires, officiers, mercantis, car c’est bonne aubaine de nourrir et d’équiper cent trente mille hommes sans compter les gros travaux de réfection de routes, ponts, édifices publics. Inquiets de leurs départements, les préfets écoutent aux groupes, suivent les mystérieux conspirateurs qui annoncent à jour fixe l’entrée dans Paris. Ceux que toisent les droitiers sont les honorables de la Gauche dont s’égaient les séances.

Tolain demande à la tribune des explications sur les assassinats de la Belle-Épine. Il est resté à Versailles, l’ex-pilier de l’Internationale, pour représenter le vrai peuple, le bon, car il est pur des « lupercales populacières » de Paris. « Assez ! assez ! crie-t-on à cet homme trop pur ; tout le monde sait que nos braves officiers ne sont pas des assassins ! » Le ministre répond parlementairement : « l’honorable M. Tolain… » on hue honorable et Grévy clôt la question : « il n’y a pas à démentir une calomnie abominable ». Tout le monde se rassied, comme Tolain indigné pour la frime[1].

Quand elle ne hurle pas, l’Assemblée s’agenouille ; les sermons alternent avec les cris de mort. Gavardie demande la cour d’assises à défaut du bûcher contre qui niera l’existence de Dieu ou l’âme immortelle. Si l’on tarde à voter le général du Temple rappelle ses collègues à l’ordre : « Nous faisons attendre Dieu ! »

Hors ce théâtre et les convois de prisonniers sur

  1. Nul, plus que Tolain, s’indigna en 1867 contre Jules Favre qui lui déclarait ne relever que de sa conscience. En avril 1896, cet ex-travailleur, devenu grassouillet sénateur, écrivait à ses électeurs qui le convoquaient à un compte rendu de mandat qu’il n’avait « d’autre règle de conduite que sa conscience. »