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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

trois cents prisonniers détenus à Mazas. Quelques-uns des gendarmes et sergents de ville pris le 18 mars, avaient comparu la semaine précédente devant le jury d’accusation institué par le décret du 5 avril. Leur seule défense avait été de dire qu’ils obéissaient à leurs chefs. Les autres prisonniers étaient des prêtres, des personnes suspectes, d’anciens mouchards. Dans une foule de gardes nationaux exaspérés des massacres, un délégué de la sûreté générale survient, Genton. Révolutionnaire de vieille date, en Juin 48, on va le fusiller à la préfecture de police quand un hasard le sauve. Blanquiste militant il a marqué dans les luttes contre l’Empire. Il s’est bien battu pendant la guerre, pendant la Commune : il dit, « Puisque les Versaillais fusillent les nôtres, six otages vont être exécutés. Qui veut former le peloton ? »

« Moi ! moi ! » crie-t-on de plusieurs côtés. L’un s’avance et dit : « Je venge mon père. » — Un autre : « Je venge mon frère. » — « Moi, dit un garde, ils ont fusillé ma femme. » Chacun met en avant ses droits à la vengeance. Genton accepte trente hommes et entre dans la prison.

Il se fait apporter le registre d’écrou, marque l’archevêque Darboy, le président Bonjean, Jecker, les jésuites Allard, Clerc, Ducoudray. Jecker est en dernier lieu remplacé par le curé Deguerry.

On les fait descendre de leurs cellules, l’archevêque le premier. Ce n’est plus le prêtre orgueilleux glorifiant le 2 Décembre ; il balbutie : « Je ne suis pas l’ennemi de la Commune, j’ai fait ce que j’ai pu ; j’ai écrit deux fois à Versailles. » Il se remet un peu quand la mort lui apparaît inévitable. Bonjean ne tient pas debout. Ce n’est plus le bouillant ennemi des insurgés de Juin. « Qui nous condamne ? dit-il. » — « La justice du peuple. » — « Oh ! celle-là n’est pas la bonne. » — Parole de magistrat. On conduit les otages dans le chemin de ronde. Quelques hommes du peloton ne peuvent se contenir : Genton ordonne le silence. Un des prêtres se jette dans l’angle d’une guérite ; on le fait rejoindre. Au détour d’un angle les otages sont alignés au mur d’exécution. Sicard commande. « Ce n’est pas nous, dit-il, qu’il faut accuser de votre mort, mais Ver-