Page:Lissagaray - Jacques Bonhomme, Armand Le Chevalier, 1870.djvu/20

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pauvres diables n’en ont pas. Le passé et le présent se résument pour eux dans une lamentation perpétuelle. Leur voix n’est qu’un cri, leurs annales sont vides. Sans instruction, sans nourriture, immobiles dans l’aveuglement, voilà leur lot.

As-tu jamais cherché d’où tu venais, Bonhomme ? As-tu jamais songé à remonter jusqu’à l’origine de ta misère, de ton père à ton aïeul, de génération en génération ? N’as-tu pas cru quelquefois que les Jacques du passé avaient été soumis, en expiation de quelque crime, eux, leurs enfants et leur postérité, au joug d’hommes meilleurs ?

Eh bien, oui, les Jacques d’autrefois ont commis un grand crime, celui de n’être pas les plus forts. Cette terre, dont tu ne connais ni la loi présente ni l’histoire passée, et que retourne le soc indifférent de ta charrue, livrait, il y a deux mille ans, ses moissons à une race active, courageuse, éloquente, égale devant la liberté. Les fiers Gaulois, nos pères, maîtres d’eux-mêmes, défiaient l’univers ; ils disaient que si le ciel tombait, ils le soutiendraient sur le fer de leurs lances. Un jour, cependant, ils furent en-