Page:Lissagaray - Jacques Bonhomme, Armand Le Chevalier, 1870.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentant de Dieu sur la terre, comme on disait alors, tendit la besace à ses créatures, et Bonhomme étant ras et nu, le roi dut demander au clergé et à la noblesse une part de la tonte qu’ils prélevaient depuis des siècles sur le troupeau de ses sujets. Pour vaincre leurs résistances, pour combler le gouffre du déficit, on imagina de convoquer solennellement les États-Généraux, composés de tous les ordres du royaume, clergé, noblesse et tiers-état, c’est-à-dire bourgeoisie. Les partisans de la convocation, connaissant l’ignorance des campagnards et leur dépendance des seigneurs, se flattaient de tourner les élections au profit de la royauté.

Mais voilà que Jacques Bonhomme, si longtemps endormi, se réveille. Il redresse son grand corps, il prend cet appel au sérieux. Les campagnes répondent. Bonhomme ne sait ni lire ni écrire, c’est vrai, mais ce muet a une langue, ce ver de terre relève la tête, et parmi les bourgeois dans lesquels ils ont confiance, ces millions de nègres français choisissent les plus habiles, leur ordonnent, — oui, ils ordonnent ! — d’aller dire qu’ils n’entendent plus être impunément affamés :