Page:Lissagaray - Jacques Bonhomme, Armand Le Chevalier, 1870.djvu/92

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sans défense au caprice des événements, il subit le contre-coup de tous les accidents politiques. La flamme de son foyer vacille à tous les vents. Une guerre en Amérique jette quatre cent mille ouvriers français sur le pavé. L’avarice du maître le guette, la maladie l’affame. Travailler pour manger tous les jours, voilà son suprême espoir.

Avant 89, après 89, son joug était resté le même. À peine avait-il changé de forme. Même nom d’ailleurs : misère. Dupe de son cœur et de ses entraînements généreux, deux révolutions faites par lui, pour lui, lui avaient passé sur le ventre. Il était temps que son ère arrivât.

Ce qu’il sentait, des hommes dévoués l’exprimèrent. « Supprimons, dirent-ils, les douleurs injustes. Quel homme a le droit d’exploiter la misère de son semblable ? Le monde est-il fatalement divisé en deux groupes, d’un côté les moutons, de l’autre les loups ? Une société, équitablement organisée, n’est-elle pas tenue de corriger les infirmités du hasard ? Ses devoirs se bornent-ils à l’aumône ? Non, l’aumône est insuffisante et injurieuse. C’est l’affranchissement dans la solidarité qu’elle doit à tous ses membres. Pas de charité, le droit.