Page:Lissagaray - Jacques Bonhomme, Armand Le Chevalier, 1870.djvu/97

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barricades, qui défiaient l’art et le courage des plus habiles généraux. En face des bourgeois féroces croyant défendre leurs familles, imaginant que c’en était fait d’eux s’ils n’anéantissaient les insurgés. On vit d’héroïques femmes d’ouvriers servant de munitions les barricades ; des enfants se glissant sous les chevaux poignarder les cavaliers ; toute arme échappée de la main d’un mourant, saisie avec joie par dix mains vivantes : un brouillard de désespoir et de sang obscurcissait la vue des combattants.

Mais ces prolétaires sentaient qu’ils donnaient leur vie pour l’avenir. Devant une barricade silencieuse comme la mort, compacte, massive, impénétrable au canon, un bataillon s’arrêta. Cimentées de désespoir et de haine, les pierres s’enchâssaient dans une symétrie effroyable, serrées comme des poitrines d’hommes sur un front de bataille. Un parlementaire fut envoyé par la troupe, et quand il revint : Que veulent-ils ? demanda l’officier ? — Du pain et l’instruction pour leurs enfants.

Et voilà quel fut en mourant le testament des pillards de Juin ! Ah ! c’est qu’il était plus facile de les mitrailler que de les instruire. Et la