Page:Lissagaray - Les huit journees de mai, Petit Journal Bruxelles, 1871.djvu/117

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ple. » « Oh ! celle-là n’est pas la bonne ! » a-t-il repris d’un tel air que les hommes ont ri. Je les ai fait taire.

» Arrivés au chemin de ronde, on les a placés contre le mur ; Bonjean s’est jeté à terre ; un feu de peloton les a tous renversés, sauf Darboy, qui est resté debout avec une blessure à la tête, une main en l’air. Une seconde décharge l’a foudroyé. Allard est mort avec un grand courage, Darboy convenablement, le reste assez mal. »

La gorge serrée par l’angoisse, nous écoutions ce récit fait d’une voix calme. — Quelques-uns d’entre nous se détournèrent, prévoyant avec terreur les conséquences certaines de cet acte de désespoir.

Nous montâmes à la lanterne qui couronne la mairie du XIe. Paris brûlait ! le Palais-Royal, le ministère des finances, la rue de Rivoli, la rue Royale, étendaient devant nous un rideau de feu. Les caprices de l’incendie élevaient dans la nuit sombre une fantastique architecture d’arceaux, de coupoles, d’édifices chimériques flamboyants. A droite, la porte Saint-Martin, à gauche, l’Hôtel de ville, la Bastille et Bercy projetaient en l’air de sanglantes colonnes de feu. D’énormes dômes blanc, jaillissant vers