Page:Lissagaray - Les huit journees de mai, Petit Journal Bruxelles, 1871.djvu/169

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Voici pour notre compte ce que nous avons vu.

Le dimanche matin, 28, à la barricade de la place Voltaire, une cinquantaine de gardes faits prisonniers furent aussitôt fusillés. Poussé, non par une curiosité indigne, mais par l’âpre besoin de voir la vérité, nous allâmes, au risque d’être reconnu, jusqu’auprès des cadavres étendus sur les trottoirs de la mairie. Les soldats, pour déshonorer leurs victimes, avaient placé sur leur poitrine des écriteaux où on lisait : Assassin, Voleur. Une femme gisait là presque nue. De son ventre, ouvert par une affreuse blessure, les boyaux sortaient et se répandaient sur le trottoir. Un fusilier marin s’amusait à dévider ces entrailles du bout de sa baïonnette, et il vida ainsi, aux rires de ses camarades, le ventre de cette malheureuse. Dans la bouche de quelques cadavres, les sauveurs de Paris avaient enfoncé des goulots de bouteilles et sur la poitrine ils avaient écrit : Ivrogne.

Près de trois mille fédérés, pris la nuit présidente au Père-Lachaise, avaient été amenés dans la prison de la Roquette. Aucun n’en sortit, Depuis le matin jusqu’à quatre heures du soir on entendit au dehors des explosions continuelles, Pendant plus d’une heure mêlé à la