Page:Lissagaray - Les huit journees de mai, Petit Journal Bruxelles, 1871.djvu/92

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que noire, sans autres ornements que des galons aux manches. Une seule bougie éclairait la pièce. Deux ou trois officiers, assis dans les coins obscurs, veillaient silencieux. Près du lit. un capitaine esquissait à la hâte les derniers traits du général. Le visage d’une blancheur de neige était calme, le nez fin, la bouche délicate, la petite barbe blonde relevée en pointe. Ses traits fermes et pleins de douceur en même temps avaient reflété pendant leur vie une âme généreuse qui s’emparait invinciblement de tous ceux qui l’approchaient. Ses ennemis n’ont pu contester son mérite militaire, et en effet, pendant cinq semaines, avec une poignée d’hommes, il disputa pied à pied Neuilly aux Versaillais. D’une bravoure exagérée, oubliant que sa vie ne lui appartenait plus, on le vit aux avant-postes, surprendre et désarmer les sentinelles des Versaillais. Il vivait de la vie et de la nourriture du soldat et soumettait son état-major, à toutes ses épreuves. On a calculé que ses aides de camp vivaient en moyenne trois jours. Son cœur l’avait fait le champion d’une cause qui devait succomber, faute d’organisation. Il le savait, et il la servit comme s’il eût espéré la victoire. Aucune amertume ne lui manqua ; objet d’un odieux soupçon à