Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/106

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chez toutes les nations, dans les livres et dans les conseils législatifs, par les esprits les plus sagaces, l’abîme qui, depuis Quesnay et Smith, sépare la théorie de la pratique, non-seulement n’a pas disparu, mais ne fait que s’élargir d’année en année. Qu’est-ce donc qu’une science qui n’éclaire pas la voie que doit suivre la pratique ? Est-il raisonnable de supposer que l’un, par la puissance infinie de son intelligence, a partout exactement reconnu la nature des choses, et que l’autre, dans l’impuissance également infinie de la sienne, n’a pas su comprendre les vérités découvertes et mises en lumière par le premier, et continue durant des générations entières à prendre des erreurs visibles pour des vérités ? Ou ne vaut-il pas mieux admettre que les praticiens, bien qu’en général trop enclins à s’attacher à ce qui existe, n’auraient pas si longtemps et si opiniâtrement résisté à la théorie, si la théorie elle-même ne contrariait la nature des choses ?

Dans la réalité nous croyons pouvoir établir que la contradiction entre la théorie et la pratique au sujet de la politique commerciale est la faute des théoriciens tout aussi bien que celle des praticiens.

L’économie politique, en matière de commerce international, doit puiser ses leçons dans l’expérience, approprier les mesures qu’elle conseille aux besoins du présent, à la situation particulière de chaque peuple, sans néanmoins méconnaître les exigences de l’avenir et celles du genre humain tout entier. Elle s’appuie par conséquent sur la philosophie, sur la politique et sur l’histoire.

Dans l’intérêt de l’avenir et du genre humain, la philosophie réclame : le rapprochement de plus en plus intime des nations entre elles, la renonciation à la guerre autant que possible, la consolidation et le développement du droit international, le passage de ce qu’on appelle aujourd’hui le droit des gens à un droit fédéral, la liberté des relations de peuple à peuple dans l’ordre moral aussi bien que dans l’ordre matériel, enfin l’union de tous les peuples sous le régime du droit, ou l’association universelle.