Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/254

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simples, prime-sautières. Avant de se faire jour, elles ont toutes passé à travers la filière d’une imagination fertile, ingénieuse et exigeante, qui les a compliquées et en a modifié le jet. Toutes, elles réclament de la pénétration pour être saisies, de la délicatesse pour être décrites. C’est en les saisissant avec un choix singulièrement fin, en les décrivant avec un art infini, que Chopin est devenu un artiste de premier ordre. Aussi, n’est-ce qu’en l’étudiant longuement et patiemment, en poursuivant toujours sa pensée à travers ses ramifications multiformes, qu’on arrive à comprendre tout à fait, à admirer suffisamment, le talent avec lequel il a su la rendre comme visible et palpable, sans jamais l’alourdir ni la congeler.

En ce temps, il y eut un musicien ami, auditeur ravi et transporté, qui lui apportait quotidionnement une admiration intuitive, doit-on dire, car il n’eut que bien plus tard l’entière compréhension de ce que Chopin avait vu, avait chéri, de ce qui l’avait fasciné et passioné dans sa bien-aimée patrie. Sans Chopin, ce musicien n’eut peut-être pas deviné, même en les voyant, la Pologne et les polonaises ; ce que la Pologne fut, ce que les polonaises sont, leur idéal ! Par contre, peutêtre n’eut-il pas pénétré si bien l’idéal de Chopin, la Pologne et les polonaises, s’il n’avait pas été dans sa patrie et n’avait vu jusqu’au fond, l’abîme de dévouement, de générosité, d’héroisme, renfermé dans le cœur de ses femmes. Il comprit alors que l’artiste