Page:Liszt - Le Tannhaeuser, paru dans le Journal des débats, 18 mai 1849.djvu/16

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Tannhaeuser, exaspéré par le sarcasme, la colère, la malveillance dont il se voit l’objet, l’écoute à peine, et entonne un chant à la louange de la déesse païenne. « Malheureux, s’écrie-t-il à la fin, que parlez-vous d’amour, vous qui ne savez rien de la volupté et de son âpre délire ? allez, allez auparavant la goûter au mont de Vénus ! »

Un cri d’horreur part de toutes les poitrines. Les nobles dames fuient effarouchées par ce seul mot, qui offense leur pudeur. Tous les hommes tirent l’épée et se précipitent sur l’audacieux criminel, dont la longue disparition s’explique tout à coup. Mais Élisabeth, qui à cette révélation s’était d’abord affaissée dans son accablement, se relève, se jette devant lui, le couvre de son corps vierge comme d’un éblouissant bouclier, « sans craindre d’être atteinte par les coups des glaives, son âme venant d’être percée d’un bien autre glaive de douleur ! » Elle repousse même leur rage aveugle ; elle réclame pour lui les droits du repentir, les bienfaits du sang divin, l’appel à la céleste miséricorde qui peut plus pardonner que l’homme ne peut pécher. Elle, la chaste vierge dont il venait de flétrir si rudement tout le bonheur, elle qui l’a tant aimé qu’il vient de blesser à mort, elle les adjure,