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Page:Livre d'hommage des lettres françaises à Émile Zola, 1898.djvu/25

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ministres, seraient de faux documents, sortis de cette usine Norton, à laquelle n’était peut-être pas étranger de Foucauld de Mondion dont on sait les prouesses en Belgique, et qui auront la valeur des documents par lesquels le grotesque Millevoye voulut prouver que Clemenceau et Rochefort étaient à la solde de l’Angleterre, et dont la fausseté était si évidente qu’ils ne causèrent à la Chambre qu’un éclat de rire, bien que deux ministres y eussent ajouté foi. Dans ce cas tout s’explique et le gouvernement français aurait été incommensurablement bête, mais de bonne foi. Et il s’obstinerait en ce moment à ne pas réparer une erreur judiciaire, pour ne pas faire l’aveu de sa stupidité.

La similitude de l’écriture d’Esterhazy avec celle du bordereau, les propos de rastaquouère détraqué qui vivait d’expédients peu avouables, quêtait des aumônes aux Juifs et parlait de se suicider ou de se procurer de l’argent par un crime, permettent de croire que si l’on avait voulu indaguer dans cette voie, on aurait fini par savoir la vérité. Évidemment Esterhazy devait être acquitté du chef de trahison s’il n’y avait contre lui aucune charge sérieuse, bien qu’il y en eût beaucoup plus que contre Dreyfus ; mais s’il avait été poursuivi sérieusement pour escroquerie ou complicité d’escroquerie, si au lieu de le couvrir d’une protection scandaleuse et de faire preuve en sa faveur d’une partialité révoltante on avait recherché, au grand jour, s’il n’a pas été mêlé à la fourniture des documents restés secrets, presque certainement faux, et que le gouvernement a dû payer fort cher, n’aurait-on pas trouvé ce pot aux roses — que M. Billot se défend en termes élégants d’avoir rempli ?