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Page:Livre d'hommage des lettres françaises à Émile Zola, 1898.djvu/37

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que Mme Dreyfus n’apprenne là-bas les traitements dont son mari fut toujours victime et plus tard ne le dise. Une chose est certaine, c’est que Dreyfus dans ses lettres n’a pas le droit de parler de son régime.

» Par une suprême dérision, nous avons à la fois perdu la pitié et l’énergie, les larmes et le courage, les deux grands mobiles des âmes. Nous savons ces choses et nous nous taisons. Ô femmes, c’est votre tour maintenant. Faites, faites entendre enfin le cri d’amour dont notre époque a besoin. Ouvrez toutes grandes vos âmes aux générosités héréditaires. Ne discutez pas, ne raisonnez pas, souffrez. La vérité est-là. Rassurez-vous : vous aurez fait votre devoir, du moment que vous aurez été bonnes. Intercédez auprès de ceux qui savent et qui peuvent.

» Les hommes s’irritent au son de leurs propres paroles et ils n’en trouvent à dire que de blessantes. Vous, vous saurez vous faire entendre. Dites les cruautés inutiles. Dites que si cet homme meurt là-bas, un cadavre est un insoutenable fardeau et qu’un jour il pèsera lourd sur notre histoire.

» Vous êtes là pour adoucir. Réunissez-vous. Adressez-vous à ceux qui ont le devoir de vous entendre. Demandez que cette femme puisse voir les lettres de son mari fût-ce au Ministère et devant témoins. Demandez, demandez surtout que cette femme admirable, cette infortunée, aille rejoindre celui qui se sent mourir. Soyez dix, soyez vingt, ne soyez que deux, si vous voulez, ne soyez qu’une. Une d’entre vous suffira, si celle-là résume en elle la pitié humaine et prononce au nom de la conscience française la parole qui vivra. »

Cet appel, on s’en souvient peut-être, a recueilli un