Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/176

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ses robes qui moult estoient fines et fourrées de vair et de gris et letticées de hermines. Si se escrioit l’ennemi et disoit : « Ha, saint Michiel, sire, ceste femme avoit dix paires de robes, que longues, que courtes, que costes hardies, et vous savez bien qu’elle en eust assez de la moitié moins, c’est d’une robe longue et de deux courtes et de deux cottes hardies, pour bien se y passer selon une simple dame, et encore elle s’en deust bien passer à moins selon Dieu ; elle en a trop de plus de moitié et de la valeur d’une de ses robes I povres gens en eussent I bonnes cottes de burel, qui ont souffert tel froit et tel mesaise en cest yver environ elle, ne oncques pitié n’en eust, et du forfait de ses robes ces povres en fuissent revestuz et garentiz de froit ». Sy apportoit l’ennemi les robes qui par forfait estoient, et les mist en la balance, et les anneaulx et petits joyaux qu’elle avoit receuz des compagnons par amourettes, et grant foyson de nuies et de mauvaises parolles que elle avoit dictes en diffamant autruy par envie et toulir leur bonne renommée ; car moult avoit esté envieuse et mesdisant ; ne elle n’avoit riens fait que tout ne feust illecques rapporté, et toutes ses robes et celles chosetes furent pesez en la balance, tant que ses maulx passèrent son bien fait et l’emporta l’ennemy, et lui vesty ses robes toutes ardantes et plainnes de feu et de flambe, et la povre ame plouroit et se doulousoit moult piteusement. Et puis l’ermite s’esveilla et racompta ce fait au chevalier son neveu, et commanda que toutes ses robes feussent données pour Dieu et toutes departies aux povres.