Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée



Cy parle de flatterie
Chappitre LXXIIIe


Je vous diray sur l’exemple de grerie. Une grant dame avoit un filz qui avoit nom Cissana, qui estoit moult grant seigneur, et estoit alé en une bataille où il morut. Sy estoit sa mère à grant esmay et douleur de sçavoir de ses nouvelles. Sy avoit un flateur en sa compaignie qui ly disoit : « Ma dame, ne vous esmayez, car monseigneur vostre filz a eu victoire et a pris moult de prisonniers. Si lui convient demourer une pièce pour ordonner de son fait. » Et ainsy de telles flateries paissoit sa dame et lui disoit joye de neant. Car cellui greeur ne deist jamais a sa dame chose qu’il sceust qu’il lui deust desplaire, aussi comme sont flatteurs et flatteresses, qui jà ne diront à leur seigneur ne à leur dame chose qui leur desplaise, et taysent la verité, et leur disent tout leur bon, et leur font joie de neant, si comme fist le faulx flatteur qui à Jouel, la bonne dame, faisoit accroire que son filz avoit eu victoire et en amenoit ses prisonniers ; et c’estoit bien le contraire, car il estoit mort, dont depuis, quant la bonne damme le sceut, elle en deust mourir de dueil. Sy est mauvaise chose d’avoir flateurs entour luy ; car ilz n’osent dire la vérité ne donner loyal conseil, ainsi font souvent forvoier leur seigneur et leur dame de droit chemin.