Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/296

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elle en acquiert l’amour de Dieu et de son seigneur et du monde et aussy de ses amis, et le sauvement de son ame, qui est le plus digne, dont le monde la loue et Dieu encore plus, car il l’appelle la precieuse margarite, c’est une fine perle, qui est blanche, ronde et clère, sans taiche y veoir. Si a cy bonne exemple comment Dieux loua la bonne femme en l’euvangille, et si doivent toutes gens ; car l’en doist autant faire de bien et d’onneur à la bonne dame ou damoiselle comme au bon chevalier ou escuier, et plus, dont le monde est aujourd’hui bestourné, et honneur n’est point si gardée en sa droite règle et en son droit estat comme elle souloit en plusieurs cas, et spécialement l’onneur des bonnes femmes. Et vous diray comment je l’ouy racompter à mon seigneur de père et à plusieurs bons chevaliers et preud’hommes, comment en son temps on honnouroit les bonnes femmes, et comment les blasmées estoient rusées et séparées des bonnes, et n’a pas encore xl. ans que ceste coustume couroit communement, selon ce que ilz disoient. Car en cellui temps une femme qui fust blasmée ne feust sy hardie de soy retraire ou renc des bonnes qu’elle n’en feust reboutée. Dont je vous conteray de deux bons chevalliers de cellui temps, dont l’un avoit nom Messire Raoul de Lugre et l’autre Messire Gieffroy, et estoient frères et bons chevaliers d’armes, qui lors couroient es voiages, es tournoiz et aux autres lieux là où ilz povoient trouver honneur. Ilz estoient renommés et honnourés comme Charny, Bouciquaut ou Saintré, et pour ce avoient leur parler sur touz, et convenoit que ils feussent escoutés comme chevaliers auctorisez.