Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/97

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soustenoient à prandre l’ainsné ou la seconde par honneur, et que ce seroit plus belle chose d’avoir l’ainsnée, et, quant ilz eurent débatu assez, li roys, qui estoit sages homs et de bon sens naturel, parla derrenier, et dit ainsi : « Mes ancesseurs ne se marièrent oncques par convoitise, fors à honnour et à bonté de femme, ou par plaisance. Mais j’ay ouy plus souvent et menu mésavenir de prendre femme par beauté et plaisance, que de celle qui est de meure manière et de ferme estat, et qui a bel maintieng ; car nulle beauté ne noblesce ne s’apareille, ne passe bonnes meurs, et n’est ou monde grant aaise comme de avoir femme seure et ferme d’estat et de bonne manière, ne n’est plus belle noblesce. Et pour ce je esliz la tierce fille, ne n’auray jà autre. » Lors si l’envoya querre, dont les deux ainsnées furent en grant despit et grant desdaing.

Et ainsi celle qui avoit la meilleure et la plus seure manière, fut royne d’Angleterre, et l’ainsnée fut refusée pour le vertillement et legiereté de son visaige et pour son resgard qui estoit un peu vertilleux, et l’autre seur après le perdit pour ce qu’elle avoit trop à faire et estoit trop emparlée ; si prenés, belles filles, bons exemples en ces filles du roy de Dannemarche, et n’aiés pas trop l’ueil au veoir ne vertillous, ne ne tournés le visaige ne çà ne là ; quant vous vouldrez resgarder quelle part que ce soit, virés visaige et corps ensemble, et ne soiés pas trop emparliers, car qui parle trop ne puet tousjours dire que saige. Et doit-on bien à loisir entendre avant que respondre ; mais, si vous y faictes un peu de pause entre deulx, vous en respondrez mieulx et plus saigement ; car