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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/170

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« Non ! Mais regardez-moi cette bobine ! » s’exclama Bunster, en se tenant les côtes.

Chacun sait que la peau du requin est semblable à du papier de verre. Les naturels des mers du Sud l’emploient à polir les troncs d’arbres où sont creusées leurs pirogues et à lisser le bois de leurs pagaies.

Mais la peau de raie est pire.

Et Bunster eut l’idée infernale de se fabriquer une moufle en peau de raie.

La première fois qu’il en essaya l’effet sur Maouki, il lui mit d’un seul coup la chair à vif, depuis le cou jusqu’à la saignée du bras, et s’en esclaffa.

Plus amicalement, il répéta l’expérience sur le dos de sa femme, et ce furent ensuite les matelots de la baleinière qui s’en virent gratifiés à fond.

Encore leur fallut-il témoigner de leur bonne humeur et grimacer un sourire forcé.

« Riez ! Riez donc, damnés noirs ! » criait Bunster.

Ce fut à Maouki que cette nouvelle torture fut spécialement dévolue.

Il y passait journellement et, bien souvent, c’était sur la chair mise à vif la veille même, que s’exerçait la facétieuse caresse.

Il en résultait que Maouki ne pouvait plus dormir, plusieurs nuits de suite.

Mais il souffrait patiemment et attendait en silence, certain que l’heure de la vengeance arriverait un jour.