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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/185

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grandement justifiée, il m’en avait su un gré infini et me considérait, depuis lors, avec un respect qui touchait à la vénération.

Accompagné par lui, j’étais, une nuit, allé pêcher sur le lagon.

« Pourquoi, lui demandai-je à brûle-pourpoint, êtes-vous tous ici à plat ventre devant Mac Allister ?

« Ce blanc est seul à Oulong, et vous êtes légion. Il est faible et vous êtes forts.

« Pourtant, dès qu’il parle, vous tremblez comme des chiens. Craignez-vous qu’il ne vous mange ? Il n’a seulement plus de dents

— Vous croyez sincèrement, susurra Oti, qu’en s’y mettant tous ; on réussirait à le tuer ?

— Pourquoi pas ? Vous avez tué, autrefois, bien d’autres blancs. Pourquoi avez-vous une telle frousse de celui-ci ?

— Oui, ma parole ! nous en avons tué beaucoup autrefois… répondit Oti, après un silence.

« Il y eut, une fois, je m’en souviens, quand j’étais jeune, un grand bateau qui s’arrêta en vue de l’île. Le vent était tombé et il ne pouvait plus avancer.

« Nous autres noirs, nous prîmes des pirogues, beaucoup de pirogues, et allâmes nous emparer du bateau.

— « Ma parole ! Ce fut une belle bataille. Nous étions au moins cinq cents. Les hommes blancs tiraient sur nous comme des diables. Mais nous n’avions pas peur et nous grimpâmes sur le navire.

« Il y avait à bord une femme blanche. C’était la première que je voyais.