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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/252

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Puis, secouant la tête, il ôta la pipe de sa bouche et répondit :

« Ce que tu me dis là ne peut pas être. Moi, Mongondro, j’étais, dans ma jeunesse, avec mes outils, un travailleur habile. II ne m’en fallait pas moins compter trois mois pour tailler dans le bois et mettre au point une pirogue. Et non pas une grande pirogue, mais une petite, une toute petite.

« Et tu prétends, toi, que cette terre et que cette eau ont été, par un seul homme…

— Je n’ai pas dit un seul homme, mais un seul Dieu, le vrai Dieu… rectifia le missionnaire.

— Cela revient au même, poursuivit Mongondro. Bref, tu affirmes que toute la terre et que toute l’eau, que les arbres, les poissons, la brousse et les montagnes, le soleil et les étoiles ont été créés en six jours ! Non ! Non ! J’étais dans ma jeunesse, je le répète, habile de mes mains. Et pourtant trois mois m’étaient nécessaires pour fabriquer une seule petite pirogue.

« Ce que tu me contes est bon pour leurrer les enfants. Mais aucun homme ne peut y croire.

— Je suis un homme, cependant…

— Je le reconnais. Mais il n’est pas donné à mon obscure intelligence de comprendre et de partager ta croyance.

— Le monde a été créé en six jours ! répéta John Starhurst, d’une voix retentissante, Je le dis parce que cela est.

— Tu le dis, tu le dis…, c’est entendu… roucoula d’un ton flûté le vieux cannibale. Ne te fâche pas !