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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/57

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À l’aube, le capitaine, exaspéré, saborda les canots qui restaient. Nous étions frais. Plus de fuite possible pour personne.

Ce jour-là, qui était le troisième, il y eut deux morts. Trois, le quatrième jour. Puis le chiffre bondit à huit.

Les effets du fléau qui se déchaînait sur nous furent divers.

Il rendait les noirs muets et stupides. Ils en étaient littéralement anéantis.

Le capitaine (il s’appelait Oudouse) fut pris, quant à lui, de crises nerveuses et d’un bavardage intarissable. Il ne pouvait tenir cinq minutes en place. On l’eût cru atteint de la danse de Saint-Guy.

C’était un gros homme, pesant dans les deux cents livres. Il devint bientôt l’image fidèle d’une montagne gélatineuse et graisseuse, oscillant sans trêve sur sa base.

L’Allemand, les deux Américains et moi-même, nous achetâmes tout le whisky qui se trouvait à bord et nous nous maintînmes ivres en permanence.

Le principe était que, saturés d’alcool, nous serions réfractaires à tout germe morbide. Effectivement, nous demeurâmes indemnes.

Mais la vérité m’oblige à dire que, ni le capitaine Oudouse, ni Ah Choun, le Chinois, ne furent non plus contaminés. Et ils ne buvaient que de l’eau.

Non, la situation n’était pas brillante. Des rafales de vent se mirent à souffler, qui duraient de cinq