Aller au contenu

Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

savais pas plus qu’eux sur ce chapitre, et qu’ils s’en remettaient à qui de droit de ce qu’il convenait de faire.

La mer, comme il était naturel, grossissait toujours avec le vent.

Jamais je n’oublierai l’effet des trois grosses lames qui, pour débuter, fondirent sur la Petite-Jeanne.

Elle venait de piquer du nez, de l’avant, ayant en plein le vent debout. La première lame balaya le pont, d’une extrémité à l’autre.

Tandis que ceux des passagers qui en avaient la force se cramponnaient aux cordes tendues à cet effet, un lot gémissant et hurlant de malades, de femmes et d’enfants fut emporté, parmi les bananes et les cocos, en une masse compacte, et Charrié à la mer, en compagnie de ses coffres, de ses poulets et de ses cochons.

La seconde lame opéra de même, tandis que la proue de la Petite-Jeanne pointait vers le ciel et que sa poupe s’enfonçait aux abîmes.

Je vis courir pêle-mêle, vers l’arrière du navire, un torrent écumeux d’eau, d’êtres vivants et d’objets divers.

Les corps, tordus, recroquevillés et repliés sur eux-mêmes, étaient projetés les uns la tête, les autres les pieds en avant, ou roulés sur le côté.

Par moment, des mains se tendaient vers une corde de sauvetage ou un étai et s’y cramponnaient. Mais il leur fallait bientôt lâcher prise, sous le heurt des corps qui suivaient. Je vis un noir aller donner de la tête contre une des