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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/71

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chaleur par deux larges feuilles de cocotier, piquées dans le sable près de moi.

C’était Otoo qui m’avait sauvé la vie et traîné là, et qui, pour me procurer de l’ombre, avait disposé ces deux feuilles.

IL était lui-même couché à mon côté et dormait.

Je m’évanouis et quand de nouveau je revins à moi, la nuit était fraîche et étoilée, et Otoo m’appuyait aux lèvres une noix de coco pour m’en faire boire le lait.

Nous étions les seuls survivants de la Petite-Jeanne, Le capitaine Oudouse avait dû périr d’épuisement car, au bout de plusieurs jours, le panneau sur lequel il avait flotté vint à la dérive s’échouer sur le sable.

Otoo et moi nous vécûmes, une semaine durant, avec les indigènes de l’île. Puis le croiseur français, qui faisait d’ordinaire la police de l’archipel, nous recueillit et nous ramena à Tahiti.

Nous avions, auparavant, le noir et moi, mutuellement accompli la cérémonie de l’échange de nos noms.

C’est une curieuse pratique qui, dans les mers du Sud, lie ensemble deux hommes, plus étroitement encore que la fraternité du sang. J’en avais pris personnellement l’initiative et c’est avec une joie intense qu’Otoo avait accueilli ma proposition.

« Oui, très bien, dit-il. Tout à fait bien ! Car, deux jours et deux nuits durant, nous avons été associés sur les lèvres de la mort.

— Et la mort en a été pour ses frais, répondis-je en riant. C’est nous qui l’avons jouée.