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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/73

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Six semaines après, il était de retour. J’en fus surpris, car il m’avait longuement parlé de sa femme, en ajoutant qu’il comptait rester près d’elle jusqu’à la prochaine saison de pêche.

« Où penses-tu aller, maintenant ? > » me demanda-t-il, les premières effusions passées.

Je fis un geste indécis. En réalité, je n’en savais rien.

« Partout ! répondis-je. Oui, partout dans le vaste monde. Partout sur la mer immense, sur ses continents et ses îles.

— Eh bien, j’irai avec toi, prononça simplement Otoo. Ma femme est morte. »

Je n’avais jamais eu de frère. Mais, d’après ce que j’ai connu des frères des autres hommes, je doute qu’aucun homme en ait jamais possédé un qui ait été pour lui ce qu’Otoo fut pour moi.

L’affection qu’il me portait était non seulement d’un frère, mais aussi toute paternelle et maternelle. Et, je ne crains pas de l’affirmer, j’ai, à ses côtés, vécu meilleur et plus droit.

Je me souciais peu de l’opinion des autres hommes. Mais, devant Otoo, une pudeur secrète m’empêchait toujours de mal faire.

Je représentais, à mes propres yeux, l’idéal de perfection qu’il s’était créé. Et, quand je me sentais choir sur la pente de l’Enfer, la pensée que cet homme, même absent, me regardait, me retenait en arrière et me faisait redresser la tête.

Remarquez bien que jamais il ne me censurait, ni ne me critiquait. Mais j’avais l’impression qu’en agissant mal, qu’en descendant du trône où il