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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/78

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« J’ai souvent observé les blancs. Il y à dans les îles beaucoup d’entre eux qui, comme toi, furent jeunes et qui sont vieux maintenant. Ils furent riches et ne possèdent plus rien. Ils en sont réduits à mendier un verre à boire, près de leurs frères qui descendent des navires. »

Sur ce point encore, je suivis ses conseils et m’en trouvai bien. Otoo avait d’instinct, dans sa sphère, ce que nous appelons le sens des affaires.

À Guadalcanar, dans les îles Salomon, ce fut lui qui me signala une large bande de terrain située au bord de la mer, sur un point où l’ancrage était excellent. Il avait plongé pour s’en assurer, et exploré les fonds, à plusieurs reprises.

J’eus pour rien ce terrain, auquel personne n’attachait alors aucune importance. Otoo se chargea de négocier avec le vieux chef qui en était propriétaire.

L’affaire fut réglée à dix mille bâtons de tabac, dix bouteilles d’eau-de-vie et un fusil. Trois ans après, je revendais le lot pour cent dollars !

Il m’aiguilla, avec un sûr instinct, vers un certain nombre d’opérations non moins fructueuses.

Si bien que j’achetai une goélette et naviguai pour mon propre compte.

Je devins riche et me mariai, toujours doublé d’Otoo, qui resta l’homme du vieux temps, allant et venant librement dans la maison ou dans les bureaux, sa pipe de bois à la bouche, une camisole d’un shilling sur le dos et un lava-lava de quatre shillings autour des reins.

Il se refusait obstinément à accepter le moindre