Aller au contenu

Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Salomon, où nous avions jadis si durement trimé, en ébauchant notre future fortune.

Nous y étions revenus, tant pour nous distraire en un petit voyage d’agrément que pour inspecter les plantations que nous possédions dans l’île de Florida, où un gérant les faisait valoir pour nous.

Nous ruminions également des projets de pêcheries d’huîtres perlières, à établir dans la passe de Mboli.

Nous avions fait escale à l’île Savo, dont les eaux littorales fourmillent de requins. La coutume qu’ont les têtes crépues d’immerger leurs morts dans la mer n’est pas propre, précisément, à éloigner ces bêtes voraces.

Une pirogue vint me chercher sur la goélette pour me conduire à terre.

L’embarcation, qui me portait avec quatre rameurs noirs, était ridiculement petite. Par suite à d’un faux mouvement d’un des noirs, elle bascula et se mit la quille en l’air.

Nous nous y accrochâmes, les quatre têtes crépues et moi, et je criai vers la goélette qu’on envoyât un canot pour nous repêcher.

Tout à coup un des noirs, cramponné à la pirogue renversée, se mit à pousser des cris d’épouvante, en s’agitant dans l’eau comme un damné. Au bout de quelques minutes, il lâcha prise et disparut. Un requin lui avait réglé son compte. Les trois autres nègres, affolés de terreur, tentèrent, sans y parvenir, de remettre d’aplomb la pirogue. Remplie d’eau, qu’il était impossible d’écoper, elle coula à pic, entraînant avec elle deux des