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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/90

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cinquantaine d’années, court et trapu, à la peau roussie par les soleils des Tropiques, et qui possédait des yeux d’un brun liquide, les plus beaux qu’il m’ait jamais été donné de contempler.

Il avait beaucoup navigué parmi les mers océaniennes, à travers leurs îles innombrables, et nul ne pouvait nier qu’il n’en connût à fond les habitants.

Un treillis de cicatrices, sur son crâne nu, était la preuve manifeste de son intimité avec les noirs et leurs tomahawks.

Et ce témoignage était renforcé par la trouée, qu’il portait au cou, d’une flèche entrée du côté droit et sortie du côté gauche.

Lui-même, en fuyant, expliquait-il, avait dû pousser de l’avant la pointe entrée dans sa chair. Car la tirer en arrière, avec toutes les précautions désirables, aurait constitué une opération délicate, dont il n’avait pas eu le loisir.

Pour le quart d’heure, il commandait le Savaii, un gros vapeur qui recrutait de la main-d’œuvre destinée aux plantations allemandes des îles Samoa[1]

« Je suis tout à fait de votre avis », approuva Roberts qui, en clignant bonassement de l’œil vers l’indigène qui nous servait, s’arrêta pour un instant d’ingurgiter son Abou-Hamed.

« Si le blanc ne s’appliquait pas trop souvent à couper des cheveux en quatre et à pénétrer trop

  1. Rappelons que, depuis la guerre 1914-1918, les îles Samoa sont devenues, en majeure partie, possessions britanniques. Le reliquat appartient aux Etats-Unis.