Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/16

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heureusement pour lui, la fréquentation des écoles et son nouveau métier de crieur de journaux, où il s’égosillait et qui le faisait vivre. Cette occupation encore n’était pas bien reluisante. Avec quelque patience, il aurait pu, semble-t-il, étant donnée son intelligence précoce, trouver mieux et se créer une situation sociale acceptable. Mais le démon des aventures et la haine de toute sujétion étaient en lui. Ses atavismes ancestraux le poussèrent vers l’inconnu. Il fit un premier saut hors la loi et, quittant le foyer familial, il s’aboucha avec des pilleurs d’huîtres, métier qui était alors fort fructueux. Il eut la chance de ne pas se faire prendre par les policiers.

Puis il s’engagea sur une goélette de garde-pêche et, comme le voleur qui se fait gendarme, il eut pour fonction désormais de coopérer à la répression de la contrebande du poisson. Le métier n’était pas sans risques. Les contrebandiers, Chinois, Grecs ou Italiens, ne craignaient ni Dieu ni diable, et plus d’un garde-pêche payait de sa vie son intervention. Il s’en tira sans écoper et, son engagement terminé, il s’embarqua pour la chasse aux phoques, au détroit de Behring et sur la côte du Japon.

Revenu à terre, après de terribles moments de désespoir, dont il se consolait dans l’ivresse, il rentra dans le giron familial et, comme il se sentait robuste et bien musclé, il s’embaucha comme docker. Sur son torse nu, ruisselant de sueur poussiéreuse et noire, il débarqua du charbon. Afin de varier son labeur, il passa ensuite dans une fabrique de jute, où la journée était de treize heures, de six heures du matin à sept heures du soir. Il s’était créé a lui-même une sorte d’Évangile social. Le travail physique était