Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/165

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jeune Indien. Afin d’activer cette poursuite sans fin du chef de file, Mit-Sah se mit à favoriser Lip-Lip aux dépens des autres chiens, ce qui aiguisait leur haine et leur jalousie. Il lui donnait de la viande en leur présence, et n’en donnait qu’à lui seul. Ils en devenaient fous furieux. Tandis que Lip-Lip mangeait, protégé par le fouet de Mit-Sah, ils faisaient rage autour de lui. Et, même s’il n’y avait pas de viande, Mit-Sah, tenant les chiens à distance, leur laissait croire qu’il en distribuait à Lip-Lip.

Quant à Croc-Blanc, il avait pris tranquillement son travail. La course qu’il avait couverte, quand il était revenu s’abandonner aux dieux, était plus grande que celles qu’on lui imposait maintenant et, mieux que les autres jeunes chiens, il avait conscience de l’inutilité de la révolte. Les persécutions qu’il avait supportées de la part des chiens n’avaient fait que le rejeter davantage vers l’homme. Kiche était oubliée, et sa principale préoccupation était désormais de se rendre favorables les dieux qu’il avait acceptés pour maîtres. Aussi trimait-il dur, se pliant à la discipline qu’on exigeait de lui, et toujours prêt à obéir. Bon vouloir et fidélité sont les caractéristiques du loup et du chien sauvage, quand ils se sont domestiqués, et le louveteau possédait ces qualités au suprême degré.

Sauf pendant le travail, il ne frayait pas avec le reste de l’attelage. Il se souvenait des mauvais traitements anciens, quand Lip-Lip ameutait contre lui ses petits compagnons. C’était, à cette heure, au tour de Lip-Lip de ne plus oser s’aven-