Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/17

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pour l’homme un devoir, la sanctification de la vie et son salut. « L’orgueil que je retirais d’une journée de besogne bien accomplie ne saurait se concevoir. J’étais l’exploité idéal, l’esclave-type, heureux de sa servitude. » C’est un zèle peu commun et dont les prêcheurs de travail d’ordinaire se gardent fort. Le peu de répits que lui laissaient l’usine et le repos, le jeune homme les consacrait à ses premiers essais littéraires.

Car le démon d’écrire ne l’avait point quitté. Et, comme un journal de San-Francisco offrait un prix pour un article descriptif, sa mère lui conseilla de tenter la chance. Il prit pour sujet : Un typhon sur la côte japonaise. La première nuit, entre minuit et cinq heures et demie du matin, il aligna les deux mille mots exigés. La seconde nuit, mécontent de son œuvre, il coucha sur son papier deux mille autres mots. La troisième nuit, il fondit ensemble ses deux compositions. Sa peine ne fut point vaine, car le premier prix lui fut attribué. Le second et le troisième prix allèrent à des étudiants de l’Université de Stanford et de celle de Berkeley, par-dessus lesquels il passait ainsi.

Encouragé par ce succès, il adressa au même journal un second article, insuffisamment travaillé, et qui fut refusé. Cet échec le découragea. Il prit un bâton au poing, un sac sur son dos et, traversant tout le continent américain, s’en fut à pied, en traînant le long des routes, jusqu’à Boston. Il s’en revint de même, par le Canada, où il se fit condamner et emprisonner pour vagabondage. En 1895, à dix-neuf ans, il est de retour à Oakland, où nous le retrouvons portier de l’École Secondaire et… collaborateur du Bulletin littéraire de la même école. Ces choses-là, évidemment, ne se voient qu’en Amérique. Il donne au