Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/176

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Comme il trottait seul, un jour, silencieux comme de coutume, et examinait une nouvelle tente, qui s’était élevée pendant son absence, sur la lisière du camp, il tomba en plein sur Kiche.

S’étant arrêté, il la regarda. Son souvenir d’elle était vague, mais non effacé. À son aspect, elle retroussa sa lèvre, avec son ancien grondement de menace. Alors la mémoire revint, plus claire, au louveteau. Son enfance oubliée, et toutes les remembrances qui s’associaient à ce grondement qui lui était familier, se précipitèrent à l’esprit de Croc-Blanc. Avant qu’il connût les dieux, Kiche avait été pour lui le pivot de l’univers. Le flot des anciens sentiments et de l’intimité passée surgit en lui. Il fit vers elle un bond joyeux. Elle le reçut avec ses crocs aigus, qui lui ouvrirent la joue jusqu’à l’os. Le louveteau ne comprit pas et se recula en arrière, tout démonté et fort intrigué.

Kiche, cependant, n’était pas coupable. Une mère-louve n’est pas créée pour se souvenir de ses louveteaux, de ceux d’un an, ni de ceux qui précèdent. Aussi ne reconnut-elle pas Croc-Blanc. Ce n’était pour elle qu’une bête étrangère et un intrus. Sa présente portée lui interdisait de tolérer aucun animal à proximité.

Un des petits louveteaux vint gambader autour de Croc-Blanc. Ils étaient demi-frères, mais ils l’ignoraient tous deux. Croc-Blanc flaira curieusement le petit, mais il fut aussitôt attaqué par Kiche, qui lui déchira la face, une seconde fois. Il recula encore plus loin.

Les vieux souvenirs, et toutes les idées qui s’y