Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/266

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son instinct. Le maître refréna de la voix cette impulsion et, dès lors, Croc-Blanc respecta le domaine des poulets ; il ignora leur existence. Et comme le juge Scott semblait douter que cette conversion fût définitive, Croc-Blanc fut enfermé, tout un après-midi, dans le poulailler. Il ne se passa rien. Croc-Blanc se coucha et finit par s’endormir. S’étant réveillé, il alla boire, dans l’auge, un peu d’eau. Puis, ennuyé de se voir captif, il prit son élan, bondit sur le toit du poulailler et sauta dehors. Calmement, il vint se présenter à la famille, qui l’observait du perron de la maison, et le juge Scott, le regardant en face, prononça seize fois, avec solennité :

— Croc-Blanc, vous valez mieux que je ne pensais.

Croc-Blanc apprit pareillement qu’il ne devait pas toucher aux poulets appartenant aux autres dieux. Il y avait aussi des chats, des lapins et des dindons ; tous ceux-ci devaient être laissés en paix et, en général, toutes les choses vivantes. Même dans la solitude des prairies, une caille pouvait, sans dommage, lui voltiger devant le nez. Frémissant et tendu de désir, il maîtrisait son instinct et demeurait immobile, parce que telle était la loi des dieux. Un jour, cependant, il vit Dick qui avait fait lever un lapin de garenne et qui le poursuivait. Le maître était présent et ne s’interposait pas ; il encourageait même Croc-Blanc à se joindre à Dick. Une nouvelle loi en résultait : les lapins de garenne n’étaient pas « tabou », comme les animaux domestiques ; ni les écureuils, ni les cailles, ni les perdrix. C’étaient des créatures du Wild,