Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/281

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— De cette unique chance rien ne doit être négligé, répliqua le juge Scott. Faites fonctionner, s’il le faut, les rayons X. Tentez n’importe quoi et ne regardez pas à la dépense. Weedon, télégraphiez à San Francisco et mandez le docteur Nichols. Ce n’est pas pour vous offenser, chirurgien… Mais, vous comprenez, tout doit être fait pour lui.

Le chirurgien sourit avec indulgence.

— Je comprends, dit-il. Vous devez le soigner comme un être humain, un enfant malade. Je reviendrai à dix heures. Observez sa température.

Croc-Blanc fut donc admirablement soigné. Quelqu’un ayant proposé d’engager une infirmière professionnelle, les filles de Scott repoussèrent avec indignation cette idée. Si bien que Croc-Blanc gagna la chance sur dix mille, à peine accordée par le chirurgien. Mais celui-ci n’avait jamais soigné que des êtres civilisés, descendant de civilisés, et toute autre était la vitalité de Croc-Blanc, qui venait directement du Wild. Son erreur de jugement ne fut donc pas blâmée.

Ligoté comme un captif, privé de tout mouvement par le plâtre et les pansements, le patient languit cependant, durant des semaines. Il dormait, pendant de longues heures, et toutes sortes de rêves l’agitaient. Les fantômes du passé se levaient devant lui et l’entouraient. Il se revoyait, vivant dans la tanière, avec Kiche, ou rampant, en tremblant, aux pieds de Castor-Gris, pour lui rendre hommage, ou courant, d’une course effrénée, devant Lip-Lip et l’attelage hurlant du traîneau, harcelé par le fouet cinglant de Mit-Sah. Il revivait sa morne existence près de Beauty-Smith