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abondance. L’élan pesait plus de huit cents livres, ce qui donnait vingt pleines livres de viande pour chacune des quarante gueules de la troupe. Mais, si l’estomac des loups était susceptible de jeûnes prodigieux, non moins prodigieuse était sa faculté d’absorption. Quelques os éparpillés furent, en quelques heures, tout ce qui restait du splendide animal, qui avait fait face, si vaillamment, à la horde de ses ennemis.

Le repos vint ensuite, et le sommeil. Puis les jeunes mâles commencèrent à se quereller entre eux. La famine était terminée ; les loups étaient arrivés à la Terre Promise. Ils continuèrent, pendant quelques jours encore, à chasser de compagnie la petite bande d’élans qu’ils avaient dépistée. Mais ils y mettaient maintenant quelque précaution, s’attaquant de préférence aux femelles, plus lourdes dans leurs mouvements, ou aux vieux mâles. Finalement, la troupe des loups se partagea en deux parties, qui s’éloignèrent chacune dans des directions différentes.

La louve, le grand loup gris, le vieux loup borgne et le jeune loup de trois ans conduisirent une des deux troupes dans la direction de l’est, vers le Mackenzie-River[1] et la région des Lacs. Chaque jour, s’éclaircissait la petite cohorte. Les loups partaient, deux par deux, mâle et femelle ensemble. Parfois, un mâle, sans femelle avec qui

  1. Le Fleuve Mackenzie prend sa source dans les Montagnes Rocheuses, traverse le Canada vers l’ouest et va se jeter dans la Mer Glaciale du Nord, après avoir côtoyé les Grands Lacs de l’Ours et de l’Esclave. (Note des Traducteurs.)