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QUAND UN HOMME SE SOUVIENT

les et précipitaient ses pas. Il courut de plus belle.

Les bruits s’apaisèrent et la foule des poursuivants, dépitée d’avoir en vain fouillé les tenèbres se dispersa.

Mais une silhouette persistait à s’attacher furtivement à ses pas. Tournant la tête de temps à autre, sans s’arrêter, il l’entrevoyait, tantôt se détachant vaguement sur la neige, tantôt se fondant dans la masse plus sombre d’une cabane endormie ou d’une embarcation du port.

Fortuné La Perle jurait faiblement, comme une femme avec l’envie de pleurer causée par la fatigue, et s’enfonçait plus avant dans le labyrinthe formé par des amoncellements de glace, des tentes, des trous de sondage. Il trébuchait sur des haussières tendues et des piles de marchandises, s’empêtrait dans des cordes de tentes, se cognait contre des piquets bêtement plantés sur son chemin et s’abattait à chaque instant sur des amas de neige et de bois flotté.

De temps à autre, lorsqu’il se croyait en sécurité, il ralentissait son allure, étourdi par les battements précipités de son cœur et sa respiration saccadée. Mais toujours la forme émergeait de l’obscurité et l’obligeait à reprendre sa course.

Une pensée superstitieuse lui traversa l’esprit et il frissonna. Son fatalisme de joueur attachait une signification à la persistance de cette ombre silencieuse, inexorable et tenace.

Il voyait en elle le destin qui mène la partie jus-