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le juif errant est arrivé

les Juifs n’avaient pas de nom officiel. Quand l’impératrice décida de les enregistrer, il fallut bien les baptiser (je parle au civil). Mais, pour eux, l’Allemagne, la Bohême, la Hongrie n’ouvrirent pas le calendrier. Qu’un Juif eût un nom, n’était-ce pas déjà une dangereuse condescendance ? Pour en atténuer la portée, on ne leur donnerait que des noms de choses ou d’animaux. Les pauvres n’avaient droit qu’à un nom de bête vulgaire. Ceux qui possédaient quelques kreutzers étaient autorisés à choisir pour patron un animal noble, voire féroce. Les favorisés de l’or pouvaient s’offrir un nom de fleur. Ainsi le riche devenait Blum et le prolétaire n’était qu’un Schwein, c’est-à-dire un pourceau.

Les plus heureux de tous ces morts étaient ceux de la tribu d’Aaron. Leur noblesse leur interdisant de séjourner en des lieux malpropres, on les avait enterrés sur les bords de ce champ de bataille.

Près du cimetière, à cent mètres, on voit la synagogue. Elle est petite. Mais là n’est pas le fait qui la distingue. Qu’est-ce donc ? Elle a l’air de se présenter sous un masque. En effet, elle est gothique. On leur avait construit, à ces malheureux, une synagogue ressemblant à une église ! L’architecte, un chrétien, en croisant les ogives,