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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

Des dames faisaient des achats dans le magasin. Je regardais le libraire. Je regardais les dames. Non ! je ne pouvais pas dire ce que j’avais à dire. Je lui achetai le Courrier de la Plata.

Je n’avais pas fait quinze mille kilomètres pour acheter le Courrier de la Plata. J’avisai le libraire. Je l’entraînai dans un coin :

— Voici, est-ce vous le patron ? Bien. Je viens pour une chose spéciale. Votre librairie est le rendez-vous des Français trafiquants de femmes…

Ce fut du joli ! Je m’y attendais.

— Calmez-vous !

Je voyais un libraire en fureur. Un libraire ou un éditeur en fureur c’est un beau spectacle pour un misérable auteur. On peut toujours espérer qu’ils en mourront !

— Vous êtes leur poste restante. Leurs lettres sont adressées ici. Ici ils viennent les chercher. J’en sais presque autant que vous. Si vous ne vous étiez pas fâché je me serais expliqué, déjà. Voulez-vous que je m’explique ?

— Alors passons ici.

C’était une arrière-boutique. Des livres occupaient les chaises : des Giraudoux, des Morand, des François Mauriac. Je ne pouvais pourtant pas m’asseoir sur ces Messieurs.

— Patron, puisque vous vendez des livres, peut-