Page:Londres - Terre d'ébène, 1929.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
TERRE D’ÉBÈNE

Il fut encore interrompu. L’un des dix-huit se leva.

— En deux ans, dites-vous, et pourquoi pas ?

— Tais-toi ! lui dit un camarade, tu me fais peur, cache tes dents. Nous ne sommes pas ici pour faire de l’art, c’est entendu, ni pour aider le nègre à gagner le paradis. Toutefois, chacun de nous est un honnête homme. Et voilà, moi, ce que j’ai à vous dire : l’administrateur veut bien profiter du nègre, mais il ne veut pas que nous en profitions. Il dit : « Là, vous paierez le coton 90 centimes, là 2 fr. 40. »

— Mais, dis-je, où vous payez le coton 18 sous, le nègre le vendrait 2 fr. 50 à ses concitoyens ; où vous le payez 2 fr. 40, le tisserand local l’achèterait 4 fr. 50. Vous savez bien qu’on force le nègre à faire du coton et à vous le vendre, et qu’en fin de compte il n’en retire guère que des coups de manigolo. Si le prix n’était pas fixé, vous achèteriez le coton à la chicotte. Cela s’est vu, hein ? et même se voit encore. Et vous avez le coup de la bascule.

Ils rirent tous.

— Le coup de la bascule ? C’est notre réponse au prix fixé. 90 centimes ? Va pour 18 sous ! Mais l’état du marché en France nous commande de l’acheter à 14 sous. La bascule fait le juge de paix.