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TERRE D’ÉBÈNE

Bientôt les romanciers le dévoreront. Les légendes qui nimbèrent le chercheur d’or attendent le coupeur de bois. Sans lui, l’Afrique serait plus plate ; il est son relief.

Il ne faut pas voir le coupeur à Grand-Bassam. Là, sa gloire n’a d’autre répondant que son compte en banque. Dépouillé de son auréole, il ne brille plus que par ses escarpins vernis. Ces escarpins, il les porte même quand il devrait avoir des bottes de sept lieues. Vous vous imaginez difficilement la sensation que peut produire la vue de deux escarpins vernis s’agitant en pleine brousse sous une voiture renversée. Ainsi, cependant, cet après-midi, ai-je rencontré M. Pujol en tournée de recrutement. Heureusement, il en faut de plus rudes pour tuer un coupeur de bois. M. Pujol allait encore très bien.

Ces hommes, tarabustés par le démon de la fortune, vivant dans un mirage de millions, profilent leur audacieuse silhouette sur un autre champ d’exploits. C’est ici. C’est la forêt.

Si le noir y souffre, le blanc aussi. La vie de chef de chantier est une terrible aventure.

Les forêts de la Côte d’Ivoire ne sont pas des buts de promenade, mais des lieux grandioses et sournois où de la décomposition des feuilles s’élève le parfum de la mort. Comme le nègre, le blanc vit là dans le poto-poto, seul de sa race et souvent