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TERRE D’ÉBÈNE

— Tu as mangé, Birama ?

— Non ! pas mangé !

Cette question et cette réponse étaient devenues mon régal. Je voyais Birama, la tête au fond de sa calebasse, s’empiffrant de riz ou de mil. Cinq minutes après, je lui demandais :

— Tu as mangé ?

— Non ! pas mangé !

L’estomac d’un nègre est sûrement sans fond. Bref, il m’apportait un catalogue.

Il me l’apportait non pour moi, mais pour lui.

— Que veux-tu que je fasse de cela ?

Les catalogues de nos grands magasins inondent l’Afrique, non seulement la côte, mais l’intérieur. Ils arrivent par sacs. Les sacs sont adressés à MM. les interprètes, M. le chef des gardes, M. le chef de canton, MM. les élèves des écoles. Et l’on dit que le commerce français n’est pas astucieux ! Ces livraisons remportent le plus triomphal succès. Le nègre qui reste deux mois sans recevoir son catalogue se croit lésé et fait écrire aux grands magasins une lettre de rappel ! Des journées entières ce joli livre est sous les yeux de l’indigène qui ne trouve rien de plus séduisant. Ça éblouit ! Et il commande à tour de bras. Les uns lisant le mot serviette et ne voyant pas plus avant, font venir pour cinquante francs de cette marchandise. Ils reçoivent des rouleaux de papier