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TERRE D’ÉBÈNE

nan sortait du fiacre. Nous étions à vingt pas, mais le souverain m’avait vu. Alors, au lieu de pénétrer dans son logis, il me fit face. Et dans le grand espace vide que la déférence populaire avait laissé devant lui, m’ayant salué du torse, il ramassa sa robe et se mit à danser. Trois petits pas d’abord du pied droit, puis trois du pied gauche. Après il étendit le bras et sa toge battit à son côté comme une grande aile. Une nouvelle fois il s’inclina et ce vieillard tournoya sur lui-même. La plume de son bicorne balayait l’espace ; sa barbe, certainement, devait trembler. Je demeurais immobile. Il dansa plus de trois minutes. Puis il enleva son chapeau et, d’un geste large, sous les yeux de la foule et à la lueur des flambeaux, il me salua comme de l’épée. Ensuite, me laissant figé sur place, il disparut dans sa maison.

— C’est un grand honneur qu’il vous a fait, m’apprit plus tard M. Fourn. « Regarde, vous a-t-il dit à sa manière, le roi danse pour toi, noble voyageur ; il n’est que ton histrion. »


Le lendemain matin nous étions à l’heure. Le Zounan nous attendait, non dehors, mais dans sa cour. Il lui est permis de voir le jour entre ses murs. Il avait arboré une robe à carreaux. Des médailles cuirassaient sa poitrine. Son chef était couvert d’une véritable casquette de jockey. L’en-