Page:Londres - Terre d'ébène, 1929.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
TERRE D’ÉBÈNE

Priait-il ? Ses pensées étaient-elles profanes ? De la roulette de Monte-Carlo à cette église sous l’équateur ! L’homme revint sur terre, me rejoignit et dit :

— Aucun médicament n’aurait pu la sauver, aucun ! Pourtant j’ai tout tenté !

Nous quittâmes l’église. Rass m’emmenait vers leur maison. Une Gabonaise suivie d’un nègre qui avait l’air de vouloir la placer aux nouveaux débarqués s’en allait sur ses hauts talons, ses jambes noires dans des bas de soie jaune et balançant à travers une robe rose tendre, un corps sinon à vendre, du moins à louer, en tout cas nullement à dédaigner.

— N’y touchez pas ! fit Rass. J’ai trop d’amitié pour vous. Quand on y va on n’en revient plus.

Et comme se parlant à lui-même :

— Elle remontait tous les jours par ce chemin venant du marché à notre maison et quand son porteur déposait ses achats sur la table elle me disait : Le meilleur du marché pour le meilleur de mon cœur ! Et les jours du courrier de France ! Voilà des fleurs de ton pays, murmurait-elle, je sors, pour que tu puisses mieux les respirer.

Rass ne sentait plus l’écrasante chaleur. Il pressait le pas, marchant à l’assaut de son passé.

— Encore un peu plus haut et c’est notre maison, vous allez voir ! Oh ! fit-il, s’arrêtant devant un mur, il était commencé voilà huit ans et il n’est