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TERRE D’ÉBÈNE

à raison de vingt-cinq kilomètres pour sortir du Mayombe. Mon équipe va bien. Chaque fois que je descends, le tirailleur veut me faire remonter dans le tipoye. Il me demande des cartouches, comme si j’avais une tête à posséder des choses pareilles ! Et puis pourquoi faire ? La mort a-t-elle besoin d’auxiliaire par ici ? Elle me semble se débrouiller fort bien toute seule ! Nous suivons la route des caravanes. Le sol est mou. Les porteurs y laissent la trace de leurs cinq doigts de pied. Parfois, les tipoyeurs de devant ralentissent. Alors l’un qui porte derrière et qui sans doute est pressé dit : « Chicotte ! Chicotte ! » Le mot agit ; les hommes de trait rient et, aiguillonnés, vont plus vite.

Le blanc, en général, fait plus de chemin à pied qu’en tipoye. On descend aux montées, sur les pentes savonneuses, mais on regrimpe dans l’appareil pour traverser les marigots. Les porteurs changent souvent le brancard d’épaule. Ils le mettent aussi sur leur tête. Quand la chair d’une épaule est arrachée, l’homme montre la marque au tirailleur. Ainsi fit l’un de mes hommes. Si mon tirailleur n’avait pas de cartouches, il avait une main. Sans doute jugea-t-il l’épaule encore en assez bon état : il répondit par une gifle dont le Mayombe retentit.

Je changeai de porteurs, au grand émoi de la